Marivaux, La Colonie, Résumé scène par scène
Cette pièce de Marivaux est une comédie écrite en prose en un acte dont l’action se joue sur une île. Elle met en scène sept personnages principaux et une troupe de femmes. La pièce prend pour thème la question des relations entre les hommes et les femmes.
Scène 1
Arthénice, femme noble, et madame Sorbin, femme d’artisan, ouvrent la scène d’exposition. Elles sont seules en scène et fournissent au lecteur-spectateur les premiers éléments nécessaires à la compréhension de la situation. Elles viennent d’être investies d’un « pouvoir » particulier par les femmes. Elles décident de s’unir et il est question d’établir une nouvelle forme de gouvernement.
La scène comporte une part d’implicite mais le thème de l’opposition hommes/femmes en termes de pouvoir est d’ores et déjà très présent. Le lexique de la révolte et de l’affrontement commence à apparaître. Elles évoquent même entre elles les rapports sentimentaux avec les hommes et disent vouloir s’en détacher pour se consacrer entièrement à leur nouvelle mission et à leur projet. Elles décident de réunir les femmes présentes sur l’île.
Voyant passer certains hommes, elles décident d’interpeller Timagène, un homme noble épris d’Arthénice.
Scène 2
Les deux femmes restent en scène ; monsieur Sorbin et Timagène les rejoignent.
Arthénice et madame Sorbin interrogent les deux hommes sur les sujets abordés lorsque les hommes de l’île se rassemblent. Elles apprennent ainsi qu’un Conseil est en train de se constituer et s’apprêtent à désigner des représentants pour « travailler aux lois ». Quand Madame Sorbin suggère que les femmes soient également consultées, elle est rabrouée par son mari (« Tais-toi avec tes femmes, il est bien question de rire »).
Arthénice et madame Sorbin, ne se souciant des moqueries des deux hommes qui leur font face, leur annoncent qu’elles ont bien l’intention elles aussi de formuler des lois. C’est l’occasion pour Arthénice de prendre la parole de manière plus solennelle et s’adressant spécifiquement à Timagène. Elle est interrompue assez fréquemment par monsieur Sorbin. Mais elle expose néanmoins les raisons qui ont conduit la société présente sur l’île à quitté sa patrie d’origine (« éviter la mort ou fuir l’esclavage de l’ennemi »). Elle présente leur arrivée « dans ce pays sauvage » et « bon » comme une opportunité de renouveau en matière de gouvernement.
Le dialogue qui clôt la scène met en évidence l’incompréhension de Timagène qui ne comprend pas (n’entend pas, même) la volonté des femmes de rompre avec la domination masculine qui existait dans leur ancienne patrie.
Scène 3
Seulement deux répliques permettent de mettre en lumière l’outrage subi lors de la scène précédente par les deux femmes. Cette très courte scène sert d’impulsion à la réunion de femmes qui s’engage lors de la scène 4.
Scène 4
Dans la scène 4, un homme est néanmoins présent sur la scène qui réunit Arthénice, Madame Sorbin, Lina (la fille de Mme Sorbin) et Persinet (l’amant de Lina). Il s’agit pour Persinet de demander à Mme Sorbin la main de Lina. C’est l’occasion pour Arthénice de demander à Madame Sorbin de rejeter le jeune homme : « les circonstances présentes nous obligent de rompre avec toute son espèce. »
La jeune Lina ne comprend pas ce rejet brutal et le dialogue fait apparaître le lexique de la guerre. Quand elle s’adresse à Persinet, madame Sorbin lui déclare : « ne vous approchez pas jusqu’à la paix. » La question que pose le jeune homme avant de quitter la scène est de savoir ce qui a pu causer cette « maudite guerre ».
Scène 5
La fonction de la scène 4 dans la progression dramaturgique était de rendre explicite la logique d’affrontement et d’évacuer de la scène toute connivence possible, même au plan amoureux, entre un homme et une femme. La scène 5 laisse donc seules en scène les trois femmes précédemment présentes : Lina, Arthénice et Mme Sorbin.
Le dialogue porte sur les modalités du mariage tel qu’il a été mis en oeuvre dans la société jusqu’ici. Il est écrit comme un instrument de « servitude ». Les deux femmes plus âgées tentent d’expliquer à la jeune Lina en quoi la structure sociale du mariage n’a rien à voir avec l’amour et n’est qu’un outil de domination de l’homme sur la femme. Le dialogue s’interrompt alors que d’autres femmes approchent.
Scène 6
Les femmes qui arrivent sont désignées dans les didascalies comme des « députées ». Elles viennent doter Arthénice et madame Sorbin de signes distinctifs symbolisant leur statut de « chefs ». S’en suit alors une prestation de serment de la part de chacune des deux femmes.
Arthénice place au centre de sa réplique « les droits de son sexe opprimé ». Et madame Sorbin, dans un langage moins châtié insiste sur le fait qu’à l’avenir « Madame vaudra Monsieur partout ».
Scène 7
La scène 7 présente la réponse des députées et de toutes les femmes aux deux prestations de serment. Les femmes se liguent donc ici pour un projet commun qui prend principalement à ce stade une dimension politique mais touche aussi à l’intimité de la vie de couple.
Les dernières lignes de la scène font réapparaître Persinet qu’Arthénice semble avoir l’intention d’utiliser au profit de leur cause.
Scène 8
Il ne s’agit en fait ici que d’utiliser les services de Persinet pour déplacer des bancs en vue de la tenue d’une assemblée. Une fois le service rendu, et alors qu’il veut s’asseoir, il est à nouveau brutalement jeté hors de la scène par Arthénice et mme Sorbin. La défense de Lina n’y change rien. Mais les quelques répliques de la jeune fille en faveur de son jeune amant sont là pour montrer qu’il reste à convaincre la nouvelle génération de l’importance du projet mené par les ainées.
Scène 9
La scène consiste en un dialogue mené par Arthénice et Mme Sorbin au sein d’une assemblée de femmes. Après avoir dénoncé la misogynie masculine, Arthénice engage un débat à partir de la question « Qu’est-ce qu’une femme, seulement à la voir? ». Il s’agit donc dans un premier temps de définir la féminité par l’apparence féminine.
L’argumentation d’Arthénice, souvent interrompue par l’approbation collective, se tourne ensuite vers « l’esprit » féminin. Bien au-delà de la glorification du charme féminin qu’elle vient de mettre en avant, Arthénice s’attaque avec une extrême virulence à l’avilissement des femmes aux tâches ménagères sous le joug des hommes. L’esprit féminin se trouve ainsi, selon elle, mis en berne et étouffé sous le poids de tâches indignes et subalternes.
Elle dénonce au sein d’un dialogue très rythmé, la coquetterie à laquelle la femme se réduit sous l’oppression du désir masculin. A l’initiative de mme Sorbin, quelques-unes proposent de faire le voeu d’être laides afin de s’affranchir de cette domination masculine. Mais cette proposition est contestée par certaines autres femmes. Et la discussion tourne en dispute insultante.
Les premiers désaccords apparaissent et les deux « chefs » (Arthénice et Mme Sorbin) sont même contestées au sein de l’assemblée des femmes. L’initiative semble donc devoir tourner court et la dispute a cédé la place au consensus initial des femmes.
Scène 10
Lina, Mme Sorbin et Arthénice, restées seules en scène, conviennent de procéder à la rédaction d’une ordonnance législative. Elle demande à Lina de surveiller le passage des hommes et lui défendent de s’approcher de Persinet.
Scène 11
Persinet s’avance alors que Lina est seule. S’en suit un dialogue amoureux à la fois original et comique. Marivaux met en avant l’absurdité de l’interdiction faite à Lina de parler à Persinet. La parole amoureuse devrait être empêchée. Elle parvient tout de même à se dévoiler. Le dialogue est tendre et marqué par le lexique de l’amour.
Les deux amants sont contraints de se séparer en constatant l’arrivée des autres hommes.
Scène 12
Persinet tient lieu de messager : Lina l’a informé du projet des femmes. Il accourt vers monsieur Sorbin et lui décrit leurs nouvelles dispositions. « C’est une émeute, une ligue, un tintamarre, un charivari sur le gouvernement du royaume. » Le jeune homme intercède pour défendre la parole des femmes et prétend qu’il serait plus judicieux d’associer les femmes au gouvernement et à la rédaction des lois.
Monsieur Sorbin et les autres hommes présents s’en amusent. Monsieur Sorbin part alors en quête de sa femme avec la ferme intention de lui « fermer le bec » dès qu’il prendre son « ton de maître ».
C’est donc ici l’incrédulité des hommes qui domine. Le projet des femmes est perçu comme un caprice, une saute d’humeur qu’il suffira de calmer. Aucune réflexion n’est engagée du côté masculin.
Scène 13
Entre temps, Arthénice exprime ses idées à Timagène, Hermocrate et d’autres hommes. Le dialogue est marqué par la misogynie persistante et l’impossibilité à dialoguer sur des bases nouvelles. Le lecteur-spectateur est frappé par le mépris masculin, révélateur des moeurs dominantes au 18ème siècle.
Scène 14
Monsieur Sorbin arrive à son tour et doit affronter sa femme. Loin de la faire taire, il doit l’écouter. Elle développe une tirade sur le respect mutuel et les désirs communs. Elle met à mal la notion de pouvoir au sein du couple. Elle appelle sa fille pour qu’elle s’adresse à Persinet.
Scène 15
Lina adhère pleinement au discours sur les liens de pouvoir entre hommes et femmes mais accepte avec difficulté de reprendre à son compte le rejet de l’amour. Mme Sorbin quitte la scène en menaçant monsieur Sorbin d’une rupture définitive.
Scène 16
Persinet et monsieur Sorbin sont plongés dans la plus grande affiliation après le départ des femmes. Le moins conciliant, Hermocrate, est pris à parti par Persinet. Le jeune amant de Lina estime qu’il faut progresser vers un compromis. On rappelle alors les femmes! Hermocrate dit avoir un plan.
Scène 17
La scène 17 est le basculement final de la pièce. Elle illustre à merveille la mise en application de l’adage « Diviser pour mieux régner ». Hermocrate fait mine d’accepter de supprimer les clivages entre hommes et femmes si l’on supprime également les clivages entre les nobles et le peuple.
Arthénice est une noble, Mme Sorbin est femme d’artisan. La première est tout à fait défavorable à cette hypothèse alors que la seconde y adhère totalement. La querelle se déplace donc : ce sont maintenant les deux femmes qui entrent en conflit autour de la question du rang social.
Et, alors que Hermocrate fait semblant de passer à un autre sujet, le conflit est désormais bien installé entre les deux femmes. Arthénice propose de blâmer de la même manière l’infidélité masculine que l’infidélité féminine. Mme Sorbin s’y oppose en disant que les hommes ont la chair plus faible.
Scène 18
La question de la guerre se déplace également : les habitants de l’île viennent attaquer la troupe nouvellement arrivée. Les femmes confient aux hommes la tâche de mener la bataille et ne veulent pas y prendre part.
Le stratagème de Hermocrate a fonctionné. La querelle hommes / femmes est close. Rien ne changera. Les hommes restent au pouvoir, les nobles restent socialement dominants.
tres bien mercie