Sarraute, L’Ère du soupçon, Résumé
Publié en France, aux éditions Gallimard en mars 1956 et sous-titré Essais sur le roman, L’Ère du soupçon est un essai de Nathalie Sarraute, une romancière franco-russe. C’est un ouvrage qui porte sur le roman. Il s’inscrit dans la mouvance d’une nouvelle pensée, d’un mouvement littéraire ou genre littéraire dit nouveau roman. En effet, le nouveau roman est une appellation de la critique littéraire dans les années 1950-1960, des écrivains qui ont mis en doute la cause du roman ancien ou traditionnel. Les partisans de cette idée sont appelés les nouveaux romanciers. En fait, ces nouveaux romanciers critiquent la façon d’écrire le roman. Ils tentent de renouveler les techniques romancières en faisant table rase des techniques d’écriture romancière dites classiques. Cette rupture des techniques traditionnelles concerne le refus du réalisme avec l’intrigue et des personnages hérités du XIXe siècle. Elle implique le rejet de la notion de héros, le savoir de l’écrivain, la cohérence ou le type psychologique du personnage classique. C’est le refus de l’analyse des sentiments ou de la littérature où l’écrivain prend position (la littérature engagée ou du roman à idées). Les écrivains s’inscrivant dans cette logique sont entre autres Michel Butor (1926-2016), Marguerite Duras (1914-1996), Claude Ollier (1922-2014), Robert Pinget (1919-1997), Jean Ricardou (1932-2016), Alain Robbe-Grillet (1922-2008), Nathalie Sarraute (1900-1999) et Claude Simon (1913-2005). Ces derniers revendiquent une nouvelle façon de faire le roman.
Nathalie Sarraute et L’Ère du soupçon
L’Ère du soupçon est un recueil qui résulte de la combinaison de quatre essais sur le roman. En effet, entre les années 1947 et 1956, Nathalie Sarraute a regroupé les théories sur la nouvelle pensée du roman. D’après cette auteure critique du roman ancien, un soupçon pèse sur les personnages du roman, d’où le titre L’Ère du soupçon. Ces derniers étant les éléments ou les acteurs qui influencent fortement le psychologique du lecteur. L’Ère du soupçon regroupe en réalité les essais suivants : « Conversation et sous-conversation » ; « De Dostoïevski à Kafka » ; « Ce que voient les oiseaux » ; « L’Ère du soupçon ». À travers cet ouvrage ou essai, l’auteure pense que si le soupçon pèse sur le personnage, le lecteur a au préalable des connaissances sur la vie psychologique des personnages et croît que cette vie psychologique ne peut plus être relevée. Le romancier pour sa part, est persuadé qu’en puisant ses sources d’inspiration dans le naturel, il poussera le lecteur à trouver dans un roman des « types » de caractères. L’auteur romancier doit donc dépersonnaliser son héros, s’intéresser à cette matière psychologique anonyme, axée sur les recherches littéraires. Ainsi dit, le romancier, dans le « nouveau roman », doit donc faire perdre ses points de repère au lecteur en « dépersonnalisant » en quelque sorte les héros, pour que le lecteur se concentre dorénavant essentiellement sur la psychologie dans son ensemble, qui peut s’appliquer à plusieurs personnes et non à ce personnage en particulier. Si un de ces romans, aux personnages si ressemblants et aux intrigues si passionnantes, se trouve être écrit dans un style plat et lâché, ce défaut est traité avec indulgence, comme une imperfection regrettable, sans doute, mais sans grande importance. Mais cela n’entame en rien la valeur véritable de l’œuvre : quelque chose d’aussi superficiel, d’aussi insignifiant qu’une petite verrue ou un simple bouton sur un beau et noble visage. Partisante du nouveau roman, Nathalie Sarraute s’inscrit dans cette logique dans son essai sur le roman, pour exposer ses propres conceptions ayant exercé une influence profonde sur les jeunes auteurs. Ceci dans le but d’apporter sa contribution à la recherche littéraire, surtout la contribution à l’évolution romanesque.
L’Ère du soupçon, une autre vision des thématiques
Penchant son style vers un nouveau roman, L’Ère du soupçon est acheminée vers d’autres visions et le lecteur est face aux thématiques telles que la disparition totale de l’intrigue dans le roman, la mort du personnage et le développement de nouvelles formes d’écriture littéraire. Selon Nathalie Sarraute, si le roman est écrit dans un style qui rappelle celui des classiques, il est bien rare qu’ils n’attribuent à la matière que ce style recouvre. Chez l’écrivaine de L’ère du soupçon, la recherche scripturale est fortement liée à sa propre expérience, en l’occurrence, la quête de techniques romanesques susceptibles de permettre la découverte d’une matière psychologique nouvelle. Pris sur cette base, l’essai «L’ère du soupçon» apparaît comme une tentative de définition du roman moderne en se débarrassant des critères anciens, faisant appel à la nouveauté du roman. Cet essai propose ainsi de passer de l’économie du héros à une économie de la narration à la première personne et de la fonction mimétique du roman à sa fonction psychologique. Il fait du roman, sous l’œil perspicace du lecteur, une recherche des petits mouvements tropismiques. Le roman est présenté comme un terrain d’exploration, comme une dynamique en constante évolution. L’ère du soupçon témoigne, à la fois chez l’auteur et le lecteur, d’un état d’esprit singulier, car il est le terrain d’entente, la base solide d’où ces deux acteurs pouvaient d’un commun effort s’élancer vers des recherches et découvertes nouvelles. Cet état d’esprit est devenu le lieu de leur méfiance réciproque, le terrain dévasté où ils s’affrontent (auteur et lecteur).
L’Ère du soupçon 1956, l’auteure et son œuvre
Nathalie Sarraute, née en 1900, est l’une des auteures qui ont le plus marqué le XX° siècle. À partir de la parution de Tropismes en 1939, l’écrivaine née en Russie a connu une reconnaissance tardive. Elle effective avec la parution de son essai, L’Ère du soupçon, qui est un recueil de quatre articles publiés par Nathalie Sarraute entre 1947 et 1956, année de sa parution aux éditions Gallimard. Cet essai est contemporain des débuts de ce qu’on nommera plus tard la « nouvelle critique ». Considéré comme le premier manifeste du « nouveau roman », Nathalie Sarraute y expose ses propres conceptions sur la révolution romanesque en mettant l’accent sur les nouvelles techniques du roman, la révolution actuelle des personnages du roman. Plus tard, nommée la « nouvelle critique », Nathalie Sarraute dans son préface met en avant l’intérêt que suscitent depuis quelque temps les discussions sur le roman, notamment les idées exprimées par les tenants de ce qu’on nomme le « Nouveau Roman ». Cela porte bien des gens à s’imaginer que ces romanciers sont de froids expérimentateurs, qui ont commencé par élaborer des théories, puis ont voulu les mettre en pratique dans leurs livres. L’ère du soupçon apparaît donc comme le nouveau roman qui refuse tout engagement littéraire. Le roman ne doit plus selon Nathalie Sarraute rompre avec les méthodes anciennes de ce style d’écriture. Le lecteur ne doit pas être averti en d’autres termes. Le roman doit être une œuvre narrative qui met l’accent sur l’anonymat des personnages, une œuvre qui rompt avec les «types» psychologiques, l’expression des sentiments. Le nouveau romancier ne doit pas être engagé. Il ne s’agit pas en fait d’une transformation directe, mais d’un passage médiatisé par la chronique.
Comme les autres critiques littéraires du nouveau roman, Nathalie Sarraute a préféré s’inscrire en bonne pédagogue. Et par la première occasion, elle proclame que le roman est avant tout « une histoire où l’on voit agir et vivre des personnages ». Un romancier n’est digne de ce nom que s’il est capable de croire à ses personnages. À travers son essai L’ère du soupçon, Nathalie Sarraute propose une forme d’écriture qui cherche à atteindre la matière qui se trouve en dessous de toute conversation.