Jean-Paul Sartre

Sartre, La Nausée, Résumé

Ce livre est la première œuvre philosophique de Jean-Paul Sartre publiée en 1938. Il s’agit du journal intime fictif d’Antoine Roquentin, protagoniste historien, rentier et célibataire de plus de trente ans qui est en plein travail d’écriture d’une thèse sur la vie d’un certain marquis de Rollebon (personnage aristocratique du XVIIIe siècle) grâce aux archives locales. Monologue écrit à la première personne, ce journal débute et prend place à Bouville le 25 janvier 1932, une ville de province française imaginaire, pluvieuse et triste, qui s’apparente au Havre (ville où Jean-Paul Sartre a vécu), bien loin des voyages exotiques et aventuriers du personnage principal, qui vient de quitter un emploi en Indochine par soudaine lassitude.

Antoine Roquentin commence ce journal qu’il intitule La Nausée par une petite introduction où il justifie son choix d’écrire un journal intime, suite à un sentiment de malaise ressenti lorsqu’il ramasse un galet à la mer: sa perception des objets ordinaires ainsi que les objets en eux-mêmes, viennent de changer. Ce journal est le moyen pour le protagoniste d’essayer de comprendre la nature de ces changement, en s’interrogeant sur l’existence « pure ». Tout ce qui l’entoure lui parait alors petit à petit désagréable, il ne se supporte plus lui-même, son existence lui semble irrationnelle, voir même inutile. « L’existence précède l’essence », c’est la façon qu’a Sartre de refuser les idées reçues à travers le protagoniste, qui rejette donc le fait que toute chose existe pour elle même et en elle même. Rejet symbolisé par ce sentiment de nausée, qui évoluera en quatre crises jusqu’à s’écrire finalement avec un N majuscule.

Antoine Roquentin raconte sa vie au quotidien, une existence qui concrètement finit par l’effrayer. On peut suivre au fil du récit ses quelques contacts et échanges avec des personnes extérieures; il parle aussi de ses rapports sexuels avec diverses femmes ainsi que du souvenir agréable et lancinant d’une certaine Anny, une ancienne maîtresse ou ex-compagne qu’il n’a pas revue depuis de nombreuses années. Son journal relate par ailleurs ses rencontres régulières avec un personnage qu’il appelle l’Autodidacte: le seul qu’il semble apprécier réellement, qu’il voit et à qui il parle souvent à la bibliothèque lorsqu’il fait ses recherches pour sa thèse historique. Il peut alors avoir de réels dialogues entre « l’humanisme » (représenté par l’Autodidacte) et son propre individualisme, qui le fait se sentir éloigné et finalement profondément désengagé de toute chose. Mais l’Autodidacte est un être déviant: l’épisode où le narrateur l’observe faire des avances à de jeunes garçons replace le personnage dans l’absurdité de sa propre existence. Cela permet par ailleurs au protagoniste (et à l’auteur) de critiquer les humanistes: ils sont ici trop tournés vers les concepts (amour, sagesse, etc.) et les préfèrent apparemment aux hommes. Face au monde extérieur et à cet homme qui souhaite apprendre en plus contre toute logique la totalité des livres de la bibliothèque par ordre alphabétique, Antoine Roquentin est désespéré et impuissant, et souhaite trouver le salut à l’intérieur de lui-même: surgit alors le sentiment définitif de Nausée, fruit de sa confusion avec le monde. On remarquera que l’Autodidacte fait figure de reflet du narrateur, en souhaitant absorber toute l’Écriture possible avant de se mettre lui-même à rédiger, par exemple. Antoine Roquentin s’arrêtera d’ailleurs d’écrire, par dégoût de la bourgeoisie et du personnage historique qui l’incarne. A cause de son ennui, le narrateur à la fois choqué et fasciné cesse ses recherches et sa rédaction et se trouve donc face à lui-même: l’écriture n’est plus alors la barrière avec le monde qu’avait créée le narrateur.

Parmi les humains qui entourent l’historien, le personnage d’Anny apparait un temps comme une figure salvatrice, en lui écrivant soudainement pour lui demander de la retrouver dans un hôtel à Paris et pour réactiver ainsi de vieux souvenirs communs, agréables. Mais Anny est nécessairement plus âgée, et la rencontre tant attendue est forcément très maladroite: le dialogue qui s’installe alors ne révèle malheureusement que des blessures passées, même si le narrateur semble de prime abord sincèrement heureux de la retrouver. Anny est par ailleurs manifestement plus intéressée par la personnalité d’Antoine avant, que par celle qu’il a maintenant; elle vit dans un passé parfait et figé (elle relit en permanence les mêmes livres, par exemple) qui ne fera qu’accentuer la nausée du narrateur. Un autre type de malaise s’en ressent alors, jusqu’au départ de Anny le lendemain de leur rencontre, sur le quai de la gare, qui se passera sans un mot d’adieu. Ils ne se reverront pas puisque Anny est déjà entretenue par plusieurs hommes, qui payent entre autre son loyer. Antoine Roquentin n’existe plus alors pour personne, il est véritablement seul dans ce monde dans lequel il ressent maintenant plus profondément et plus cruellement sa propre existence, il ressent ici l’opposition essentielle entre vivre et exister, ou vivre à défaut d’exister (l’existence étant selon lui contingence et gratuité). Exister serait l’idéal ; à l’origine ex-sistere signifiant « sortir de », ou dans ce cas « sortir du » néant.

Pour sortir de cette vacuité ou au moins essayer de s’en éloigner, un nouveau (et sans doute pas ultime) voyage est nécessaire. Le narrateur part alors s’installer de nouveau à Paris, où il découvre (ou redécouvre) la simplicité et la beauté de la musique dans un café. Du jazz, précisément. Il ressent alors de nouveau petit à petit une certaine profondeur, une véritable qualité de l’existence par la conscience des choses qui lui revient : la musique comme issue de secours serait-elle la solution? l’Art plus généralement, comme moyen de surmonter sa propre nausée humaine face à l’existence et à son néant. L’art comme créativité enfin, et la créativité comme liberté : la maxime de Sartre selon laquelle l’homme est conditionné par la liberté est sans doute ici la solution pour le narrateur de guérir sa Nausée, qui redevient progressivement « douce Nausée ». D’ailleurs, la fin du livre indique que le narrateur imagine un nouveau projet de livre: la liberté d’écrire un roman plutôt qu’un récit historique, et de sortir ainsi du néant de l’existence figée et de l’absurdité de cette existence même.

Du même auteur Sartre, Les Mots, Résumé Sartre, Les Mots, Le jardin d'enfants Sartre, Huis Clos, Résumé scène par scène Sartre, Huit Clos, Scène 1, Le garçon d'étage Sartre, Les Mots, Anecdote du Coiffeur Sartre, Les Mains Sales, Sixième Tableau, Scène 2 Sartre, Situation III, J'aime New York

Tags

Commentaires

0 commentaires à “Sartre, Situation III, J’aime New York”

Commenter cet article