Emile Zola

Zola, La Curée, Résumé et Analyse

Résumé

Renée, jeune épouse d’Aristide Saccard, et son beau-fils Maxime contemplent le spectacle du Tout-Paris en promenade au Bois. La famille mène grand train dans son hôtel au luxe écrasant, bien différent de l’hôtel de l’île Saint-Louis où a grandi Renée. Elle a épousé depuis le spéculateur Saccard qui traite somptueusement chez lui de hauts fonctionnaires, des entrepreneurs, toutes sortes de personnages influents. Renée, de son côté, fascinée par la serre tropicale où elle se réfugie, vit dans le désarroi des liaisons sans amour (chapitre 1). On apprend alors qu’Aristide Rougon a perdu une première femme, Angèle, dont il a eu Clotilde et Maxime. Venu à Paris, attendant beaucoup de son frère Eugène qui devient la cheville ouvrière du nouveau régime, il obtient un poste à l’Hôtel de Ville, change son nom en Saccard, d’après le nom, modifié, de sa femme. Ses fonctions vont lui permettre de prendre connaissance de grands projets d’expropriation et d’urbanisme. Grâce à sa sœur Sidonie, il se donne les moyens de réussir en acceptant d’épouser, alors qu’elle est enceinte, Renée Béraud du Châtel, une jeune bourgeoise, qui lui apporte terrains et argent. Commencent alors les premières escroqueries avec ses complices, dont Larsonneau (2). Maxime est arrivé de sa province. Renée s’entiche de ce garçon qui l’accompagne chez Worms, le grand couturier, et devient son complice. Alors que Saccard réussit de mieux en mieux, jusqu’à faire son apparition à la cour, Renée connaît quelques amants passagers qui ne la distraient pas de son ennui (3). Poussant plus loin ses aventures, lors d’un bal chez une actrice, elle devient la maîtresse de Maxime. Renée, prise de remords, s’engage pourtant dans une liaison durable. Elle a aussi la surprise de voir son mari connaître ses premières difficultés financières dont il essaie de triompher à force de manœuvres et de dépenses ostentatoires (4). Renée poursuit cependant sa vie légère tout en reprenant ses obligations conjugales et elle ressemble un peu à cette Phèdre qu’elle va admirer au théâtre. Sa position se complique encore lorsqu’elle se fait surprendre avec Maxime par la fiancée de ce dernier (dont le mariage doit servir les plans du père). Ajoutons enfin que Saccard veut escroquer sa femme (5). Une fête pseudo-mythologique a été organisée pour mettre en valeur Maxime, Renée et leurs belles amies: la légende de Narcisse et d’Écho est alors le prétexte à des tableaux luxueux et voluptueux. Puis, pendant le bal qui suit, Saccard surprend Maxime et Renée (6). La famille se défait encore plus tandis que le trou financier se creuse, malgré quelques escroqueries supplémentaires. Maxime s’est marié avec Louise et quitte Renée qu’abandonne même sa fidèle femme de chambre. L’empereur a vieilli, Maxime refuse de prêter son argent à son père. Renée mourra quelque temps après (7).

Commentaires – Analyse de « La Curée » de Zola

Il y a une vraie poésie de la Curée, dont l’ouverture et la fin du roman portent témoignage : au Bois, dans des teintes dorées, Zola compose des paysages inquiétants, symboliques, crépusculaire pour le premier, ensoleillé et néanmoins morbide pour le second. C’est d’ailleurs bien dans ce registre de couleurs qu’il faut découvrir une des clés du livre. À de très nombreuses reprises, les couleurs précieuses de l’or et de l’argent vont revenir, par exemple lorsqu’il s’agira de décrire le salon Saccard ou encore un des tableaux (chez Plutus) de la fête mythologique. À l’opposé, on aura toute la gamme des teintes froides de l’hôtel de l’île Saint-Louis où Renée a passé son enfance, entre les verts glauques de la Seine. Comme d’habitude chez Zola, il y a là une opposition préméditée et symbolique : à l’inertie passéiste des Béraud du Châtel, les parents de Renée, on peut facilement opposer l’activité productive, mais morbide, de la spéculation, de Paris qui bouge sous la pioche des démolisseurs et l’argent des financiers. Car là est l’ambiguïté : comment apprécier le travail de Saccard, lui qui a pris ce nom fondé selon un calembour révélateur ? D’un côté, il anime la ville et l’emplit d’une rumeur vivante, d’une foule vibrionnante et fertile que Renée et Maxime contemplent depuis le cabinet particulier qui abrite leurs amours. Mais son activité est aussi profondément malsaine.

Et c’est là que l’éclairage mythologique devient révélateur. Deux mythes sont explicitement et longuement repris dans le livre : celui de Narcisse dont la légende est exploitée au chapitre 6, celui de Phèdre dont la représentation occupe quelques pages du chapitre 5, qui ont pour point commun de représenter les déviations de l’amour. Refus mortel dans le premier cas, quasi-inceste dans l’autre – qui nous renvoie bien sûr à la relation entre Renée et Maxime. C’est que la modernité selon Zola est artifice, destruction d’un rapport sain entre les êtres et avec le monde qui les entoure. La ville est pour lui le lieu de la corruption du lien social, que favorise en plus l’atmosphère délétère du régime impérial. Le désordre est partout : chasteté calculée et sans vertu de la bonne Céleste, homosexualité du domestique Baptiste, féminité de Maxime, mariages intéressés (après avoir épousé Renée, qui a été violée et qui aura des amants, Saccard est le complice de débauche de son fils avant de le marier par intérêt), le lesbianisme, la prostitution ! Tout le système des interdits moraux s’effondre et, avec lui, tout le système social. Quant à la circulation financière, elle est aussi artificielle : il ne s’agit pas d’un échange stable et honnête, mais d’un vertige, d’une imposture permanente qui passe par la tromperie ou le chantage. On n’échange pas des biens, mais des options, des menaces, des influences.

En réalité, le malheur de cette époque est bien dans sa facticité, dans sa logique perverse de mensonge : par exemple, le Crédit viticole de Saccard a renoncé à sa vocation première pour devenir une banque d’affaires qui joue son argent au lieu de le faire paisiblement travailler dans l’agriculture ; la seule autre « nature » de cette ville malsaine est celle d’une serre tropicale où Renée mordra une plante vénéneuse, celle aussi d’un bois de Boulogne artificiel et mondain. Le mythe de la Curée est moins celui d’une chasse à mort que celui d’un univers dénaturé par une Histoire qui va trop vite et dévore ses enfants.

Caractéristiques des œuvres de Zola

En 1867, Zola publie un roman, Thérèse Raquin, qui, sans en faire partie, annonce le cycle des Rougon-Macquart, tant par les sujets abordés (l’hérédité, la folie) que par les critiques qu’il suscite : la presse traite en effet l’auteur de « pornographe », d' »égoutier » ou encore de partisan de la « littérature putride ». Dans Madeleine Férat, récit publié en feuilleton en 1868, apparaissent les deux thèmes dominants de sa gigantesque oeuvre à venir :
– l’histoire naturelle et les questions d’hérédité.
– l’histoire sociale.

Lorsqu’il décide d’entreprendre sa vaste fresque romanesque, Zola élabore toute une série de réflexions préliminaires. Par souci de méthode, il veut établir un plan général, avant même d’écrire la première ligne. Zola se veut différent de la Comédie Humaine de Balzac :  » Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille en montrant le jeu de la race modifiée par le milieu. […] Ma grande affaire est d’être purement naturaliste, purement physiologiste.  »

Il veut en outre écrire des « romans expérimentaux ». Il affirme que le romancier ne peut plus se contenter de l’observation, mais se doit d’adopter une attitude véritablement scientifique, soumettant le personnage à une grande variété de situations, éprouvant son caractère, faisant apparaître un jeu de relations, de généralités, de nécessités et, surtout, fondant son travail sur une solide documentation.

Zola est un naturaliste : ses écrits se voulaient une imitation fidèle de la nature.
(Zola trouve dans une étude du docteur Lucas (Traité philosophique et physiologique de l’hérédité naturelle, 1847-1850) les principes de construction de la famille des Rougon-Macquart. Selon Lucas, le processus héréditaire peut aboutir à trois résultats différents : l’élection (la ressemblance exclusive du père ou de la mère), le mélange (la représentation simultanée du père et de la mère), la combinaison (fusion, dissolution des deux créateurs dans le produit). Le romancier est ébloui. Zola est fasciné par l’aspect systématique de la détermination génétique. Il dresse un arbre généalogique dans lequel il établit des correspondances entre les personnages et les romans. Il prépare ensuite un premier plan de dix romans qui s’inscrivent dans un ordre chronologique.

Toute la structure interne des Rougon-Macquart est expliquée par la névrose d’Adelaïde Fouque, dont le père a fini dans la démence et qui, après la mort de son mari, un simple domestique nommé Pierre Rougon, prend pour amant un ivrogne, Antoine Macquart. La descendance de celle que l’on appelle tante Dide est ainsi marquée par la double malédiction de la folie et de l’alcoolisme que l’on retrouve dans tous les volumes. Ainsi, le docteur Pascal, héros du vingtième et dernier volume (voir le Docteur Pascal), s’effraye en comprenant subitement la tragique destinée de sa famille C’est le Docteur Pascal (1893) qui clôt l’ensemble, à la fois parce qu’il en est le dernier roman et parce que son héros, qui effectue des recherches sur l’hérédité, prend l’histoire de sa propre famille comme terrain d’observation.
Gustave Flaubert, dès la parution du premier volume, écrit à Zola : « Je viens de finir votre atroce et beau livre. […] J’en suis encore étourdi! C’est fort, très fort. mais peu de critiques littéraires partagent son avis.

Le cycle est constitué de vingt romans.
Zola peint la société du second Empire dans sa diversité, mettant en évidence sa dureté envers les ouvriers, ses turpitudes (Nana, 1880), mais aussi ses succès (l’avènement des grands magasins dans Au Bonheur des Dames, 1883). C’est dans Germinal (1885) qu’il exprime le mieux son intérêt pour le peuple. Dans une recherche de la vérité qui prend pour modèle les méthodes scientifiques, Zola accumule sur chaque sujet observations directes et documentation. Mais il ne s’en tient pas au simple constat et élève au niveau du mythe ce qui aurait pu rester une vaste chronique historique. Par son sens aigu du détail et de la métaphore efficace, par le rythme de ses phrases et de ses constructions narratives, il crée un monde fictif puissant, habité par des interrogations angoissées sur le corps humain et le corps social.

Aujourd’hui, les théories scientifiques qui fondent les Rougon-Macquart sont tout à fait dépassées, mais l’œuvre, elle, reste toujours actuelle, sans doute parce que, au-delà des ambitions scientifiques de son auteur, elle demeure une réalisation considérable sur le plan littéraire.

Dans la deuxième partie de son œuvre, moins connue et composée de deux cycles romanesques distincts : les Trois Villes (Lourdes, 1894 ; Rome, 1896 ; Paris, 1898) et les Quatre Évangiles (Fécondité, 1899 ; Travail, 1901 ; Vérité, 1903 ; et Justice, resté inachevé), Zola se fait prophète et prêcheur. Ces ouvrages sont généralement délaissés par les critiques qui insistent plutôt sur l’engagement du romancier lors de l’affaire Dreyfus. Cet épisode vient parfaire en quelque sorte la figure que Zola laisse à la postérité, l’audace littéraire étant complétée par le courage politique.

Du même auteur Zola, La bête humaine, Le train fou Zola, L'Assommoir, Chapitre VII, Le Grande bouffe Zola, Germinal, Résumé partie par partie Zola, Le Naturalisme Zola, Le Roman Expérimental Zola, La Bête Humaine, Résumé chapitre par chapitre Zola, La Bête Humaine, La fêlure héréditaire Zola, Thérèse Raquin, Résumé Zola, Au bonheur des Dames, Résumé Zola, L'Aurore, J'accuse !

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